Pierre Alechinsky à l'atelier en 1985
photo © Ianna Andreadis
Franck Bordas ouvre son premier atelier de lithographie en 1978, dans le quartier du Marais, rue des Guillemites à Paris, avec une simple presse à bras et quelques pierres. A 20 ans, fort de son apprentissage aux ateliers Mourlot, il se lance dans la folle aventure, sollicitant un à un les artistes au gré des rencontres. Conseillé par différents critiques et amis en particulier Pierre Cabanne, Jean-Louis Pradel et Alain Jouffroy. Autour d'un premier « noyau » composé de Hervé Bordas, Gilles Aillaud, Jean Clareboudt, Cueco, Babou, Erro, Jean-Paul Chambas... viennent rapidement s'ajouter de nombreux artistes curieux de se lancer dans la lithographie, Jean-Claude Silbermann, Hervé Télémaque, Gérard Fromanger, Jorge Camacho, Daniel Pommereulle... viendront tour à tour dessiner sur la pierre leur premières lithographies. Le local devient vite trop petit et l'atelier déménage une première fois pour un local plus expérimental rue de Clignancourt, où viendront notamment Daniel Pommereulle et Roberto Matta. Une second déménagement s' impose en 1981 vers le quartier de Saint Germain des Prés, au 7, de la rue Princesse, c'est là que viendront Hervé di Rosa, François Boisrond, Eduardo Arroyo, Paul Jenkins, Jean Messagier, Bengt Lindstrom, Jan Voss, Robert Matta, Maurice Estève et en particulier, Jean Dubuffet qui y dessinera ses ultimes lithographies de 1982 à 1984. En 1982 il imprime le livre des Souvenirs de Fernand Mourlot, A même la Pierre. Régulièrement présent au Saga, puis à la Fiac et à Art Basel, l'atelier Bordas est à présent, internationalement reconnu et les artistes se succèdent pour des recherches épisodiques ou bien permanentes, Pierre Alechinsky vient y faire ses plus grandes lithographies, en particulier « L'eau à la Lucarne », en 1985. De nouveau, l'espace n'est plus suffisant pour les grandes machines et les projets qui se multiplient, l'atelier déménage place de la Bastille, passage du Cheval Blanc, c'est là que Pierre Alechinsky de 1989 à 2005 dessinera plus d'une vingtaine de grandes planches 120x160 cm sur la grande presse Voirin, dévolue dans le passé à l'impression d'affiches de cinéma. Là aussi verra le jour le fabuleux projet de Franck avec Gilles Aillaud, l'Encyclopédie de tous les animaux et minéraux y compris les végétaux constitué de 4 volumes, près de 200 lithographies dessinées sur pierre. Un volume sera réalisé au Kenya, avec une mini-presse à bras, spécialement conçue pour sa mobilité. Au Cheval Blanc, certains artistes de la première heure continuent leur visite, en particulier, Aillaud, Cueco, Ianna Andreadis, Jaccard, Camacho, Chambas, Pommereulle ou Matta, mais de nombreux autres artistes venant de tous les horizons augmentent considérablement les horizons de l'atelier. Iannis Kounellis viendra y dessiner les dix lithographies de Fumo di Pietraéditées par la galerie Lelong. Joan Mitchell y réalisera ses dernières lithographies, « Trees » et « Fields », Keith Haring vient y dessiner la série « Stones ». Nicola de Maria pour la galerie Lelong y réalisera plusieurs estampes, souvent rehaussées à l'aquarelle. Paul Rebeyrolle, Zao Wou Ki, Antoni Tàpies, Robert Mangold, Bob Wilson... James Brown et Jean-Charles Blais y créeront en toute liberté, une Oeuvre considérable, souvent faites de petits tirages et même de monotypes. Loic Le Groumellec, Arman, Valerio Adami, Pierre Buraglio, Ernest Pignon Ernest, Gérard Garouste. Mark di Suvero introduit le premier la technique mixte entre lithographie et impression digitale. Le déménagement ultime pour la rue Louise Weiss en 2005, marque la fin de l'ère lithographique. Désormais l'atelier se spécialise dans l'impression numérique, l'odeur de l'encre disparaît. Si quelques artistes comme Pignon Ernest ou Pierre Buraglio suivent le pas, de nouveaux arrivés comme Tim Maguire, Nils Udo, Philippe Beaudeloque ou encore Philippe Gronon savent tirer du nouveau médium des effets intéressants et contemporains. Illustrateurs, dessinateurs de bandes dessinées (Jean Giraud, alias Moebius, Enki Bilal, Jacques de Loustal) photographes (Sophie Ristelhueber, Martin Parr, Dominique Issermann), exploitent avec succès ces nouvelles techniques. Dans les pages suivantes, nous proposerons une sélection de lithographies de ces quarante années de recherches, de complicité et d'expérimentation. De nombreuses lithographies, avec le temps ont été rapidement épuisées, certaines des estampes ici exposées sont des épreuves uniques issues des archives de l'atelier, des épreuves d'essai ou quelques bons à tirer proposées ici pour la première fois en exclusivité
Keith Haring à l'atelier en 1989
photo © Ianna Andreadis